Mesdames et messieurs les membres du CAEN,
Rien, il n’y a rien dans les points à l’ordre du jour qui laisse entrevoir un progrès pour nos jeunes.
Comment être objectivement satisfaits des bilans qui nous sont présentés ?
La Région BFC serait-elle l’antichambre de projets encore plus destructeurs pour la voie professionnelle ? La région conjointement avec l’éducation nationale organise-t-elle le passage de relais de la formation professionnelle sous statut scolaire vers le tout apprentissage et donc la mainmise des entreprises sur la formation de nos jeunes ?
Nous le savons toutes et tous ici, la réforme de voie professionnelle est un enjeu de classe et de société qui a pour but l’employabilité immédiate des jeunes de la voie professionnelle et l’insertion à tout prix dans les métiers en tension et d’avenir. L’émancipation du jeune, son épanouissement, ne font pas partie du projet. Le jeune contribue au déploiement et rayonnement de la région (Voir le document CPRDFOP page 37 : « La construction d’une carte des formations initiale et d’une offre de formation continue cohérentes et concertées doit permettre : 1. de favoriser l’accès de tous, jeunes et adultes à une qualification permettant de sécuriser les parcours professionnels, 2. de répondre aux besoins de l’économie régionale et de favoriser le dynamisme de la région […]»,).
Les jeunes sont ainsi enchaînés aux formations de leur territoire, et deviennent de la chair à patron, et, pour certains, la perspective de sortir de leur milieu s’éloigne de plus en plus.
Nous le rappelons ici encore, pour la CGT, les lycées professionnels n’ont pas vocation à être au service des entreprises, mais bien à celui des élèves. On ne forme pas mieux « sur le tas », c’est-à-dire à partir des pratiques existantes de qualité très variable alors qu’un objectif indispensable est bien l’acquisition des pré-requis nécessaires aux évolutions d’une carrière de plus en plus longue. On sait que l’objectif des entreprises est la rentabilité. Les jeunes (qui, de surcroît ne peuvent se défendre), sont confrontés aux mêmes risques liés aux manquements à la sécurité, à l’exposition aux produits dangereux, aux accidents du travail et aux violences sexistes et sexuelles, que les adultes.
Il est à noter par ailleurs que les chiffres de l’éducation nationale sur le taux d’accident du travail ou d’incidents liés à la période de formation en entreprise des jeunes ne sont pas connus et nous aimerions les connaître. Il en est de même pour les jeunes en apprentissage.
Il est quand même épatant de voir le constat fait dans le document « Stratégie régionale formation orientation du CPRDFOP 2023-2028 » sur la corrélation entre emploi, formation et territoires liés à la baisse démographique, le manque d’attractivité, le décrochage des jeunes et la difficulté d’accès à l’emploi des femmes. Mais il est à déplorer que l’analyse, bien incomplète, ne dise pas que cet état de fait est le résultat de politiques successives qui ont organisé la disparition des services publiques dans ces territoires au nom de la réduction des dépenses publiques. Comment se former quand les écoles, collèges et lycées disparaissent ?
Comment ne pas décrocher quand accéder à une formation ou un stage est un chemin semé d’embuches et que toutes les familles n’ont pas tous les outils pour aller jusqu’au bout des démarches et accompagner leurs enfants ? D’ailleurs nous pouvons nous interroger sur l’impact qu’aura sur les jeunes le transfert de Saint Germain à Fourier. Combien de décrochages à venir ?
Le processus d’une orientation réussie est long, demande un accompagnement le plus personnalisé possible car s’adressant à des adolescents en construction, qui ont besoin de mûrir leurs projets, de pouvoir changer de voie. Il ne peut être réduit à des actions de communication sur les métiers, de salons spécialisés ou de casques virtuels.
Les lycées sont aujourd’hui financièrement en difficulté, comme tous les ménages, du fait de l’augmentation du coût de l’énergie, et pour cause la plupart des établissements sont des passoires énergétiques. Si des travaux sont en cours dans certains établissements, il n’empêche que nous accueillons avec beaucoup de circonspection et d’inquiétude les récentes déclarations de Mme Godard sur d’ éventuels projets d’optimisation des locaux en mettant à disposition des TPE, des PME, des CFA les plateaux techniques, les cuisines, réfectoires et dortoirs des lycées et tout le patrimoine. Cela ressemble beaucoup à de la privatisation. La Région n’exclue pas la fermeture de lycées comme cela a été le cas par le passé en Franche- Comté, les lycées sont aussi des éléments d’aménagement du territoire permettant aux jeunes de poursuivre leur formation le plus loin possible. Nous ne manquerons pas d’être très vigilants sur ce point également.
La feuille de route envisagée jusqu’en 2028 occulte la question salariale et les conditions de travail qui sont les premiers « freins » à l’attractivité des métiers en tension.
Dans la Fonction publique, la prétendue revalorisation des salaires a laissé des catégories de personnels sur le bord du chemin et contribué à précariser encore plus d’autres. Ainsi, les personnels AESH ont été victimes de double peine : en touchant la prime pouvoir d’achat de de 200 à 270 €, ces personnels ont perdu plus de 400 € d’allocation de la CAF . Comment une telle mesure n’a-t-elle pu être sécurisée ? C’est un message empreint d’irrespect pour ces personnels qui contribuent à l’inclusion des élèves les plus fragiles dans un contexte où l’école dite inclusive s’exerce dans des conditions loin d’être satisfaisantes (classes surchargées, peu de moyens).
D’autre part, les personnels de la FPT sont considérés comme des sous fonctionnaires puisqu’ils ont été littéralement oubliés et écartés de la prime exceptionnelle inflation. Le décret d’octobre 2023 ne leur garantit rien puisque cette prime est à la discrétion des collectivités territoriales. Comment une telle discrimination a-t-elle pu être envisagée?
A ces questions, nous connaissons les réponses. Ce n’est ni plus ni moins que le projet mis en œuvre depuis de nombreuses années : transferts de compétences, orientation des financements publics vers les grandes entreprises et non vers des politiques publiques répondant aux besoins des populations, affaiblissement des services publics, privatisations.
La CGT toujours présente auprès des personnels et des jeunes revendique une égalité des chances pour toutes et tous, ce qui implique une réelle égalité des droits et les moyens nécessaires pour arriver enfin à ce que l’école soit celle de la réussite de tous, et s’engage à lutter contre toutes les discriminations. Et dans ce cadre, nous en profitons pour vous interroger sur les raisons de l’absence de réponses du rectorat à nos divers courriers.
La CGT appelle tous les personnels à rejoindre la mobilisation intersyndicale du 12 décembre 2023 contre la réforme de la voie professionnelle et pour la défense d’une voie professionnelle sous statut scolaire.